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Le Conseil Constitutionnel a censuré la quasi-totalité du texte de la très contestée loi sur les mesures de sûreté

Dans sa décision n° 2020-805 DC du 7 août 2020 sur la « Loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine »[1]; le Conseil Constitutionnel a jugé que le législateur devait veiller au respect des droits fondamentaux, que les mesures de sureté n’étaient ni adaptées, ni proportionnées, qu’elles méconnaissaient les droits fondamentaux et qu’elles étaient disproportionnées. Il a estimé que la durée était inadaptée.

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En effet, selon le texte de loi une personne peut cumuler plusieurs interdictions et s’exposer à un emprisonnement dans le cas où elles ne respecteraient pas une interdiction:

« (…) la liberté personnelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire. Il incombe au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, l’exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis. Au nombre de ceux-ci figurent la liberté d’aller et de venir, composante de la liberté personnelle, le droit au respect de la vie (..) et le droit de mener une vie familiale normale (..). Les atteintes portées à l’exercice de ces droits et libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à l’objectif de prévention poursuivi ». (Décision n° 2020-805 DC du 7 août 2020 sur la « Loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine).

Il a souligné que la qualification de « dangerosité devait se fonder sur des éléments objectifs »:

« Toutefois, s’il est loisible au législateur de prévoir des mesures de sûreté fondées sur la particulière dangerosité, évaluée à partir d’éléments objectifs, de l’auteur d’un acte terroriste et visant à prévenir la récidive de telles infractions, c’est à la condition qu’aucune mesure moins attentatoire aux droits et libertés constitutionnellement garantis ne soit suffisante pour prévenir la commission de ces actes et que les conditions de mise en œuvre de ces mesures et leur durée soient adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi. Le respect de cette exigence s’impose a fortiori lorsque la personne a déjà exécuté sa peine ». (Décision n° 2020-805 DC du 7 août 2020 sur la « Loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine).

L’essentiel des « critères de radicalisation » sont basés sur l’appartenance à la religion musulmane et la pratique religieuse. D’autres critères sont sur l’entrée en relation d’une personne avec une autre personne surveillée par les renseignements sans pour autant que la personne ciblée par la mesure ait une relation établie, par exemple : amicale ou proche.

Nous avons constaté dans plusieurs dossiers de mesures MICAS ou d’assignation à résidence que les personnes étaient de simples voisins.  En soulignant ce problème, le Conseil Constitutionnel demande au législateur de fournir des éléments objectifs et revoir ces critères de « radicalisation »puis que qu’ils sont sources de dérives et de décisions arbitraires. Le problème des critères de « radicalisation » est fondamental, puisqu’ils peuvent aboutir à qualifier sans aucun fondement une personne de « dangereuse », alors même que celle- ci ne l’est pas, ce qui aboutit à des situations extrêmes et kafkaïennes, puisque devant les juridictions, il est impossible pour un individu de prouver qu’il n’est pas dangereux. C’est alors l’inversion de la charge de la preuve et ce qu’on peut qualifier de « présomption de culpabilité ». Les critères de radicalisation ont multiplié depuis des années les lois sécuritaires sans pour autant que les autorités ne fournissent une évaluation sur l’efficacité puisque de multiples mesures peuvent être prononcées à l’égard d’un individu dans un système de loi sécuritaire opaque en l’absence d’infraction.

Dans une lettre adressée aux autorités, les rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont exprimé leurs inquiétudes[2] :

« du fait que ce type de mesures criminalise des actes bien en amont de la commission d’actes de terrorisme, pour lesquels les éléments essentiels que sont l’actus reus et le mens rea font défaut. Il s’agit là d’un déplacement périlleux vers une pénalisation de l’espace pré-criminel. Soulignant une fois de plus la nécessité d’évaluer les dispositif existant ». dans leur communication, les rapporteurs regrettent « en particulier que cette transposition ait lieu sans que les MICAS n’aient été́ évaluées comme le prévoient les clauses d’extinction (ou clause « sunset ») prévues par la loi SILT, et qu’elle soit donc un moyen de contourner l’obligation de vérifier l’efficacité, la proportionnalité́, la nécessité et l’aspect non- discriminatoire de ces mesures ».

Le Conseil Constitutionnel a déclaré que les mesures de sureté étaient contraires à la constitution et souligné qu’il était inutile d’étudier les autres articles puisque la quasi-totalité du texte de la loi censuré:

« Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées méconnaissent les exigences constitutionnelles précitées. Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, il y a donc lieu de déclarer contraires à la Constitution l’article 1er de la loi déférée et, par voie de conséquence, ses articles 2 et 4. » (Décision n° 2020-805 DC du 7 août 2020 sur la « Loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine).

Fait inédit, le Conseil Constitutionnel interdit de placer une personne sous une mesure de sureté au législateur, pointant l’absence du volet réinsertion dans les politiques sécuritaire et de ne pas avoir mis en place de mesure de réinsertion pendant la durée de la peine: 

« En quatrième lieu, la mesure ne peut être prononcée qu’en raison de la dangerosité de la personne caractérisée notamment par la probabilité très élevée qu’elle récidive. Toutefois, alors que la mesure de sûreté ne peut intervenir qu’à l’issue de l’exécution d’une peine d’emprisonnement, il n’est pas exigé que la personne ait pu, pendant l’exécution de cette peine, bénéficier de mesures de nature à favoriser sa réinsertion ». (Décision n° 2020-805 DC du 7 août 2020 sur la « Loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine).

 

Prenant acte de la censure du Conseil Constitutionnel, la présidente de la Commission des lois a exprimé sa volonté de revoir une autre version de la loi à travers un communiqué[3].

 

ADM Action Droits des Musulmans

 

[1]Dans sa décision n° 2020-805 DC du 7 août 2020 sur la « Loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine »

[2] Mandats de la Rapporteuse spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste ; du Groupe de travail sur la détention arbitraire; et du Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction

[3] https://twitter.com/YaelBRAUNPIVET/status/1291740551390416896

 

L'ADM

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