ADM a adressé au Conseil constitutionnel une contribution extérieure au projet de loi » confortant le respect des principes de la République «
Il résulte du compte rendu du Conseil des ministres du 9 décembre 2020 que le ministre de l’Intérieur et la ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la citoyenneté, ont présenté un projet de loi confortant le respect des principes de la République. Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte le 9 décembre 2020.
Au préalable, ADM ne peut que formuler ses plus vives réserves tant au regard de la manière dont ce texte a été voté que de son contenu. Le texte a en effet été adopté en première lecture, avec modifications, par l’Assemblée nationale le 16 février 2021, pour être définitivement voté le 23 juillet 2021, soit seulement quelques mois plus tard. Un tel calendrier ne peut qu’interpeller, qui plus est au regard des nombreuses dispositions contenues dans ce projet et des nombreux aspects qu’il recouvre. Il faut encore ajouter le fait que ledit projet s’inscrit dans une succession de textes, dont la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, adoptés dans un temps très proche. Cette surenchère législative ne peut que nuire à un examen approfondi des dispositions introduites, en entretenant au surplus le sentiment d’une forme de précipitation nuisant à la crédibilité du législateur.
En outre, ADM, qui n’a pas été associée aux travaux parlementaires en dépit de son expertise, ne peut que déplorer l’exclusion d’un certain nombre d’acteurs associatifs, étant rappelé le caractère éminemment sensible de certaines des dispositions.
Un certain nombre de voix se sont exprimées pour dénoncer le fait que, sous couvert de conforter le respect des principes de la République, le projet vise les personnes appartenant à la communauté musulmane. Entre autres critiques, Jonathan Laurence, professeur de sciences politiques au Boston Collège, a notamment pu souligner que « La nouvelle loi sur le séparatisme est une attaque à peine voilée contre la religion musulmane. En un certain sens, on pourrait considérer que cette attaque n’a rien de spécifique : l’arc de l’histoire religieuse en France est long et il penche toujours vers l’État. »[1]
A ces différentes prises de position, s’ajoutent également les avis très critiques formulés par diverses autorités et institutions, à l’instar de l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) en date du 28 janvier 2021.
Aux termes de la conclusion de ce dernier avis : « Tisser ce lien intime et indispensable entre la République et celles et ceux qui l’habitent, recréer la confiance dans les promesses d’une société laïque, démocratique et sociale dont certains s’écartent, implique bien plus que de la suspicion »[2].
ADM ne peut que faire sienne une telle conclusion qui fait écho aux constatations qu’elle a pu faire.
En effet, la loi « Séparatisme » dite loi « confortant le respect des principes de la République » est particulièrement coercitive et accroit les pouvoirs discrétionnaires conférés au ministère de l’intérieur, sans la moindre garantie d’efficacité. Cet accroissement rejoint une tendance à l’œuvre depuis plusieurs années. Cette loi modifie profondément la loi 1901 et cible les associations. Elle vise les personnes de confession musulmane, les étrangers, les migrants, les réfugiés, les populations des quartiers défavorisés. Elle restreint drastiquement la liberté d’expression et d’information sous le prétexte de la sécurité, en se fondant sur le soupçon de rejet « des principes républicains ». Or, le législateur n’a pas défini une telle notion, laissant le soin au ministère de l’Intérieur de qualifier les personnes et structures qui seraient « séparatistes », ce qui ne peut qu’être source d’arbitraire.
[1] https://www.la-croix.com/Debats/Loi-separatisme-On-desarme-spirituellement-lislam-France-moment-peu-propice-2021-07-23-1201167599
[2] https://www.cncdh.fr/sites/default/files/a_-_2021_-_1_-_pjl_principes_de_la_republique_janv_2021.pdf
Lire la contribution : ADM_PORTE ETROITE SEPARATISME
Mise à jour
Analyse ADM de la décision du Conseil Constitutionnel sur la loi séparatisme
Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 13 aout 2021, sur la loi séparatisme dite « Confortant le respect des principes de la République » une non-conformité partielle- réserve[1].
Il n’a censuré que 3 articles de la loi séparatisme sur 103 et n’émet peu de réserves. Vu le calendrier chargé et les lois votées en accélérées entre la loi sur l’antiterrorisme, la loi pass sanitaire , la loi Climat et la loi séparatisme dite « confortant le respect des principes de la République » ont été étudiées en moins de trois semaines, ce procédé de loi à une fois de plus été votée en accélérée, ce qui empêche la société civile, ainsi qu’un débat public de se tenir sur ces lois qui sont votées dans la précipitation et qui s’empilent. Ce procédé accéléré, porte préjudice à l’étude approfondie des textes de lois que ce soit au niveau du débat public ou par le Conseil Constitutionnel. Ce dernier a dû rendre plusieurs décisions en très peu de temps.
Pourtant, ces lois votées en accélérées ont été pointées dans le rapport sur l’État de droit 2021[2], la Commission Européenne qui a souligné : « En France, le nombre de procédures accélérées au Parlement a sensiblement augmenté, ce qui n’est pas sans conséquences sur la consultation des parties prenantes ni sur les travaux parlementaires. »
Les 3 censures concernent :
1-La suspension en cas d’urgence des activités de l’association ou du groupement de fait en attendant la dissolution estimant que cette disposition porte atteinte à la liberté d’association :
« 44. Le nouvel article L. 212-1-2 permet au ministre de l’Intérieur de prononcer la suspension des activités d’une association ou d’un groupement de fait faisant l’objet d’une procédure de dissolution sur le fondement de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure en cas d’urgence et à titre conservatoire, pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois. Elle porte ainsi atteinte à la liberté d’association. 45. Or, en permettant au ministre de l’Intérieur de prendre une telle décision pour une durée pouvant atteindre six mois dans l’attente d’une décision de dissolution, ces dispositions ont pour objet de suspendre les activités d’une association dont il n’est pas encore établi qu’elles troublent gravement l’ordre public. Il résulte d’ailleurs des travaux préparatoires que cette décision de suspension vise à permettre aux autorités compétentes de disposer du temps nécessaire à l’instruction du dossier de dissolution. » 46. Dès lors, en permettant de prendre une telle décision, sans autre condition que l’urgence, le législateur a porté à la liberté d’association une atteinte qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée. »[3]
2- Sur la délivrance ou renouvellement d’un titre de séjour pour « rejet des principes de la République » est censuré
ADM a fait cette demande de censure pour cet article qui porte atteinte aux droits fondamentaux puisque les décisions ne seront fondées sur aucun élément objectif avec une interprétation large et avec un risque arbitraire. Cette disposition était contraire aux droits fondamentaux.[4]
« 53. Les dispositions contestées prévoient que la délivrance ou le renouvellement de tout titre de séjour peut être refusé à un étranger s’il est établi qu’il a manifesté un rejet des principes de la République. Ce même motif peut également fonder le retrait d’un titre de séjour. 54. Toutefois, s’il est loisible au législateur de prévoir des mesures de police administrative à cette fin, il n’a pas, en faisant référence aux « principes de la République », sans autre précision, et en se bornant à exiger que la personne étrangère ait « manifesté un rejet » de ces principes, adopté des dispositions permettant de déterminer avec suffisamment de précision les comportements justifiant le refus de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour ou le retrait d’un tel titre. 55. Dès lors, les dispositions contestées méconnaissent l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi (…) est contraire à la Constitution »
3- l’article sur la radicalisation qui modifiait le code de sécurité intérieure est censuré » cavalier seul » il faisait entrer le soupçon dans l’article récidive.
Le Conseil Constitutionnel émet une réserve sur le remboursement des subventions en cas de non-respect du contrat d’engagement républicain.
ADM a demandé la censure de cette disposition au conseil constitutionnel estimant qu’il porte atteinte à la liberté d’association et fragiliserait les organisations de la société civile.
« Les dispositions contestées prévoient que, en cas de manquement au contrat d’engagement, il est procédé au retrait de la subvention publique, à l’issue d’une procédure contradictoire, sur décision motivée de l’autorité ou de l’organisme, et qu’un délai de six mois est imparti à l’association pour restituer les fonds qui lui ont été versés. Toutefois, ce retrait ne saurait, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’association, conduire à la restitution de sommes versées au titre d’une période antérieure au manquement au contrat d’engagement. »
Sous la réserve énoncée au paragraphe 76, les mots « à condition d’y avoir été autorisées par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation »
« ou bien déclarer au maire et à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, qu’elles lui feront donner l’instruction dans la famille » sont remplacés par les mots : réserve du Conseil constitutionnel sur « ou bien, à condition d’y avoir été autorisées par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, lui donner l’instruction en famille »
Le Conseil Constitutionnel décide que sont conformes à la constitution seulement :
- l’article 4 qui correspond à l’article 9 du texte de loi étudié par le Conseil Constitutionnel
- l’article 7 qui correspond à l’article 15 du texte de loi étudié par le Conseil Constitutionnel
- Dans l’article 8 qui correspond à l’article 16 du texte de loi étudié par le Conseil Constitutionnel « les mots « agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens », figurant au 1 ° de l’article L. 212-1 et l’article L. 212-1-1 du code de la sécurité intérieure, dans leur rédaction
- Dans l’article 18, qui correspond à l’article 16 du texte de loi étudié par le Conseil constitutionnel, le premier alinéa.
La décision du Conseil Constitutionnel n’a couvert que peu d’articles, cette décision ne veut pas dire que le Conseil Constitutionnel a validé le texte de loi, mais qu’elle n’a pas étudié les autres articles. Il laisse les autres articles qui pourront être contesté sous forme de Question prioritaire de Constitutionnalité.
[1] https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2021/2021823DC.htm
[2] https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/communication_2021_rule_of_law_report_fr.pdf
[3] https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2021/2021823DC.htm
[4] https://adm-musulmans.com/wp-content/uploads/2021/08/ADM_PORTE-ETROITE-SEPARATISME.pdf Page 29
Abonnez-vous à notre newsletter
Rejoignez notre liste de diffusion pour recevoir les dernières nouvelles et mises à jour de notre équipe.
Merci ! Vous vous êtes inscrit avec succès !